Fenosoa Sergia

Ingahy be, le tireur de pousse-pousse

Ceci est un récit fictif.

« Tu n’as pas oublié ta gourde ? », me lance ma mère tout en aidant ma petite sœur à enfiler son tablier rose bonbon. Distraite, je ne lui réponds pas. Je suis occupée à lorgner la pendule accrochée dans la salle de séjour. 7h30. Je cours regarder par la fenêtre : ponctuel comme tous les jours. Il est là, assis sur une monticule de gazon près de sa pousse-pousse, mâchouillant un brin d’herbe.

« Il », c’est Ingahy be, ou du moins, c’est ainsi que nous aimions l’appeler. En malgache, ce nom signifie « le vieillard ». Avec son humble véhicule à traction humaine, pieds nus, il venait nous prendre quotidiennement, ma sœur et moi, pour nous amener à l’école puis nous ramener à la maison.

Dans la ville d’Antsirabe, la température est en moyenne de 18°. Durant l’hiver austral, qui s’étend de juin en août, il fait encore plus froid. Mais qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il grêle, lngahy be, le fidèle et dévoué, n’a jamais manqué un seul de nos « rendez-vous ».

Malgré son âge avancé, il n’avait rien à envier aux autres tireurs de pousse-pousse, qui étaient souvent plus jeunes et plus forts. Son atout à lui, c’était sa bonne humeur inébranlable. Le vieillard ne rouspétait jamais, toujours prêt à rendre service en échange d’un modique salaire.

Sa simple bonne humeur ne suffisait pas à ma mère. Quand Ingahy be la transportait en pousse-pousse pour faire ses courses en ville, la tension montait d’un cran quand elle rentrait à la maison : « Ingahy be est trop vieux, il ne tire pas assez vite ! » Avec ma sœur, on se contentait de rire sous cape. Le fait qu’il se déplace lentement ne nous a jamais posé de problème. Quelque part, cela nous fascinait et nous amusait à la fois.

Pendant les trajets, quand le véhicule montait une légère pente, le vieil homme suait, transpirait et s’essoufflait littéralement avant d’avoir atteint le « sommet ». Il avait du mal à respirer mais se ressaisissait aussitôt, stoïque. Ma sœur et moi étions encore trop jeunes pour comprendre qu’il souffrait visiblement d’un problème quelque part dans ses poumons.

Quand nous arrivions trop en avance à l’école, il garait l’engin sous un jacaranda en fleurs devant le portail et nous racontait des anecdotes sur sa jeunesse, à la campagne de Fandriana, dans la province de Fianarantsoa. Beaucoup de ses histoires nous faisaient bien rigoler, ma sœur et moi, et ça le rendait encore plus joyeux de nous voir éclater de rire.

Chaque fois qu’il évoquait sa jeunesse, Ingahy be nous parlait de Sahondra. Sahondra, c’est sa bien-aimée qui l’a quittée un peu trop tôt pour aller « là-bas ».  A l’époque, nous ne pouvions pas encore comprendre la subtilité des jeux de mots. Que voulait-il dire par là ? Là-bas où ça ? Pourquoi n’allait-il pas rejoindre Sahondra s’il l’aimait ? Voulait-il qu’on lui paye les frais de taxi-brousse parce qu’il n’avait pas assez d’argent ?

Les seuls moments où il affichait une mine triste, c’était quand il parlait d’elle. Les yeux d’Ingahy be se mettaient à briller de mélancolie et les fossettes sur ses joues ridées se creusaient davantage, comme s’il se débarrassait du masque joyeux qu’il portait tous les jours. Chaque fois qu’on lui posait des questions pour en savoir plus, il nous lançait systématiquement un gentil : « Allez, il est temps d’y aller, votre maîtresse vous attend ! »

Et puis un jeudi, Ingahy be n’est plus venu. Ni le jour d’après, ni les suivants.

Nous n’avons jamais su comment il s’appelait réellement, s’il avait de la famille, s’il avait des enfants, des petits enfants…

Ses rares amis tireurs de pousse-pousse nous affirmaient qu’il était décédé. Pour moi, c’était impossible. Il s’était juste décidé à rejoindre Sahondra « là-bas », enfin.


Qu’est-ce qui se cache derrière les billets de blogs ?

Ça y est ! Le blogueur a sorti un nouveau billet tout frais, prêt à être dévoré par ses lecteurs. Vous commencez à lire et vous vous délectez du contenu. Vous ne le savez peut-être pas mais derrière cet article que vous avez entre les mains, il peut s’en cacher des choses. Vous êtes curieux de savoir ? Vous tombez bien, aujourd’hui, je vous emmène faire un petit tour dans les coulisses des billets de blogs, en gifs. 🙂 

Dans le blogging, comme dans toute autre activité, la plus grande partie du travail s’opère en silence en « arrière-boutique ». Etre blogueur, c’est bien joli, mais c’est surtout un immense investissement, tant matériel que personnel. Le chemin est souvent long entre l’idée qui naît et l’article que vous voyez publié sur le blog.

Par où commencer ?

Maintenir une fréquence de publication n’est pas toujours évident. Comme vous l’aurez deviné, la muse de l’écriture (communément appelée inspiration) ne tombe pas du ciel, il faut parfois littéralement l' »invoquer ».

Tenez, moi par exemple, quand vient le moment fatidique où je dois pondre un article, il y a certains jours où mes neurones cessent tout simplement de fonctionner. Mon cerveau, remplacé par un abricot sec, semble avoir pris congé de ma boîte crânienne. Je m’efforce quand même de creuser, encore et encore, mais rien n’y fait.

En fait, c’est un peu comme essayer d’essorer un linge sec en espérant qu’une goutte d’eau puisse encore en tomber.

Et donc : derrière chaque billet de blog se cache souvent beaucoup de pression et beaucoup de fatigue…

Des nuits blanches successives…

Des journées entières passées à taper comme un zombie devant une page blanche et à faire des recherches parfois louches sur Google…

Quelques sacrifices personnels et parfois un gros investissement pécuniaire…

Et beaucoup de temps passé à craquer devant un ordi et à galérer avec la connexion internet…

Maintenant, vous avez une petite idée de ce qui peut se produire derrière l’article que vous lisez. Pourquoi on fait tout ça ? Ben parce qu’on vous aime et qu’on est un peu sado-maso aussi, au fond. D’ailleurs, en écrivant celui-ci, ça m’a pris un temps fou pour sélectionner les bons gifs, mais ça m’a plu d’écrire sur le sujet.

Pour conclure ? Quand on tient un blog, on s’éclate bien plus qu’on ne galère. C’est moi qui vous le dis!

 


Codeuse d’un jour, codeuse pour toujours grâce à Django Girls Antananarivo

Partout dans le monde, les initiatives qui apprennent aux femmes à coder sont de plus en plus nombreuses, comme Wild Code School en France, ou encore Girls Who Code aux USA. Ici à Madagascar, nous avons la chance d’avoir Django Girls. C’est une initiative mondiale qui a pour but d’initier les femmes à la programmation informatique. La seconde édition de l’atelier Django Girls Antananarivo se tiendra les 28 et 29 octobre prochains à l’Alliance Française Andavamamba. Débutante que je suis, c’est le moment pour moi d’apprendre (enfin) à coder! 🙂

J’ai rencontré l’une des organisatrices de Django Girls Antananarivo dans le cadre de la mise en place de l’atelier pour cette année. Il faut dire que sous ses airs d’humble geekette se cache un sacré bout de femme.

Comme beaucoup, je pensais que la programmation informatique était réservée au cercle très restreint des geeks masculins et autres férus du 2.0. Mais elle m’a convaincue que c’est loin d’être le cas et que les femmes, aussi débutantes soient-elles, peuvent très bien apprendre à coder. C’est là toute la vision de Django Girls.

Inspirer les femmes à tomber amoureuses de la programmation

Au Brésil, les femmes sont majoritaires dans les écoles et les universités et représentent 60% des diplômés. Malgré cela, seulement 20% d’entre elles osent « s’aventurer » dans le domaine des STEM (science, technology, engineering, and mathematics). Malheureusement, le même cas de figure se présente aussi partout dans les pays africains, y compris Madagascar. 

Loin d’être « féministe », Django Girls espère changer ce statu quo en promouvant l’égalité des opportunités entre hommes et femmes dans le milieu des technologies. D’où leur leitmotiv :

                    « We inspire women to fall in love with programming. »

En effet, l’esprit Django Girls veut rendre accessible le monde de la nouvelle technologie à la gent féminine. Et le pari n’est pas des moindre : encourager plus de femmes à orienter leur carrière vers les STEM et enlever les barrières qu’elles peuvent se mettre dans la tête. L’initiative prône avant tout la diversité et croit dur comme fer que la femme a sa place dans le domaine des sciences et de l’informatique en général à Madagascar. Un domaine qui est trop souvent l’apanage des hommes.

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Coder, ça s’apprend surtout avec le sourire 🙂 … Crédit : Django Girls via Flickr

Pourquoi vous devez apprendre à coder ?

La réponse est toute simple : ceux qui ne savent pas coder aujourd’hui seront les analphabètes de demain. Même Barack Obama, quand il était encore à la tête des Etats-Unis a martelé l’importance de la programmation informatique dans le monde : « Apprendre ces compétences n’est pas juste important pour votre futur, c’est aussi important pour l’avenir de votre pays. »

Bien au-delà de l’aspect pratique et scientifique de la chose (créer des applis, des sites web, des jeux vidéo,…), programmer c’est aussi stimuler la créativité, l’esprit critique et la curiosité. C’est du sérieux. Bon, tout ça je le sais en théorie mais je vais bientôt pouvoir le vérifier sur terrain. 🙂

Ce qui est évident, c’est que vous ne deviendrez pas des as de la programmation en une ou deux journées seulement. Django Girls veut provoquer le déclic et vous accompagner dans vos premiers pas dans le vaste univers de l’informatique.

Pour la petite information, « Django », c’est un framework open source qui permet de créer des applications web ou de développer des sites web à partir du langage Python. En gros, c’est l’outil que vont exploiter les codeuses en herbe pendant l’atelier.  

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Quelques participantes de l’année dernière, en pleine action. Crédit : Django Girls via Flickr

Ce que j’en pense ?

Depuis quelques mois, j’ai pris l’initiative de m’inscrire à des cours de programmation en ligne sur Openclassrooms. Même si la motivation est là, ce n’est pas toujours évident de s’y mettre toute seule quand tu as zéro background en programmation, comme moi. D’où l’importance cruciale de ce genre d’atelier de formation.

Pour celles qui habitent à Madagascar et qui ont envie de s’inscrire, vous pouvez remplir le formulaire d’inscription en ligne ici, ou visitez le blog de Django Girls Antananarivo. Vous avez jusqu’au 17 octobre 2017. Et pour celles qui n’auront pas l’opportunité d’assister à l’atelier, mais qui sont tout de même intéressées, pas de panique, vous pouvez apprendre à maîtriser le framework Django gratuitement ici. 🙂

En tout cas,  je vous donne rendez-vous après le 28 et 29 octobre pour un petit billet dans lequel je vous partagerai mes acquis. A très vite !

Hug and cookies ! 🙂


Madagascar en 4 podcasts

Dernièrement, ma nouvelle lubie est de visionner des podcasts sur Youtube, mais pas n’importe lesquels : des podcasts « malgaches »… si on peut appeler ça comme ça. Pour tout vous dire, les vloggers malgaches sont encore rarissimes, surtout ceux qui publient régulièrement sur leur chaîne. En tout cas, la première chose qui m’a frappée, c’est que la plupart des vidéos sur Madagascar sont réalisées soit par des malgaches de la diaspora, soit par des étrangers qui ont fait un petit saut sur l’île. Eh oui! Sans doute parce qu’internet reste un luxe chez nous et uploader une vidéo sur Youtube avec une connexion pourrie c’est bien le cadet de nos soucis.

 

Et puis au fond on s’en fiche, du moment qu’ils balancent de bonnes vidéos qui nous font marrer…. C’est vrai que le contenu de leurs œuvres sont souvent des clichés, mais c’est tout l’essence des podcasts non ? ‘Faut jamais prendre les vannes au premier degré ! Nous n’allons pas entrer en détail dans l’identité de chaque youtuber, je vous laisse les découvrir par vous-même au fur et à mesure de chaque vidéo. Voici donc mes quatre coups de cœur du jour :

Podcast N°1 : QUAND T’ES MALGACHE – NIRINA

Nirina, tout le monde le connait ici, sa carrière a atteint son apogée en 2016. C’est un peu la star malgache sur Youtube. Il fait de la danse, du chant mais on le connait surtout pour ses vidéos humoristiques !

 

Podcast N°2 : MADAGASCAR LE RETOUR – FASOL

Lui c’est Fasol et son humour décapant. Je ne sais pas exactement quand il a mis les pieds à Madagascar mais à en croire la date de la vidéo, il est passé aux alentours de novembre 2016. Celle-ci c’est tout de même ma préférée ! 🙂

Podcast N°3 : POURQUOI ? MADAGASCAR – VALESCA LIFESTYLE

Elle c’est Valesca Lifestyle. Celle-ci est carrément une vidéo sous forme de dissertation de lycée : cause, conséquence, solution, il ne s’agit donc pas vraiment de faire rire. Toutefois, j’apprécie la façon dont elle arrive a brosser un tableau complet de Madagascar, en quelques minutes, avec tous ses maux.

Podcast N°4 : LE RAP GASY – DIDALOS

Lui aussi il est bon. Je ne suis pas fan de rap gasy (ni de rap tout court d’ailleurs), mais j’adore la manière dont il dresse l’état des lieux du rap et de la musique en général au pays. Bonus : il a une jolie bouille.

Sinon pour se distraire, parmi ceux qui font des vidéos en français, il y a aussi Aaron en parle, Let Rubis Fly, Tefi, le petit LiamOdy Milani, Aynah, NanouinaEt pleins d’autres que je ne connais pas encore. 🙂


Education des filles et mariage, parlons-en !

Dans l’éducation malgache, outre la scolarisation, on apprend aux filles dès leur plus jeune âge à devenir de bonnes épouses et de bonnes mères. Il faut savoir pas mal de choses avant de se lancer dans le mariage : bien faire la vaisselle, bien cuisiner, bien repasser, bien ranger la maison, bien s’occuper des enfants…

Une jeune fille doit anticiper ce qui l’attend une fois dans le mariage, car son mari ne lui fera pas de cadeau. A la maison, on lui radote souvent : « tu vas te faire humilier si tu ne fais pas bien les choses dès maintenant. » Mais je me suis posée la question : est-ce qu’on apprend aussi aux garçons à être de bons époux ? Est-ce qu’on les prépare assez à leur rôle dans le mariage ? C’est peut-être pour cela que bien des hommes deviennent des brutes une fois dans l’union conjugale, comme ceux qui brutalisent leur femme. L’éducation, c’est la base.

La structure socio-culturelle à Madagascar est un moule qui façonne les filles de manière à ce qu’elles en ressortent armées jusqu’aux dents et prêtes à affronter le « tokantrano » (foyer). Depuis toute petite, j’ai moi-même souvent reçu ces « gentils conseils » (parfois maquillés en réprimandes) de la part de proches.

Je suis consciente qu’il s’agit là de valeurs inculqués par les parents et les aïeuls, pour notre bien. Mais je me rends compte avec le recul que j’ai toujours gardé en moi cette petite flamme rebelle, qui refuse de réduire la femme à l’état de « ravaky ny tokantrano ». (littéralement décoration du foyer, celle qui rend le foyer attrayant).

Les familles malgaches ont un discours bien rodé pour encourager les petites et jeunes filles à devenir des femmes « dignes » et « respectueuses ». Comme s’il y avait un code de comportement universel qu’il fallait respecter une fois le statut de « mariée » acquis : il faut bien s’occuper de son mari, il faut se faire belle pour son mari, il faut toujours bien entretenir la maison pour l’accueillir à son retour du travail, il ne faut jamais refuser quand son mari veut du sexe…

.Je ne suis pas de celles qui revendiquent l’égalité de genre et je ne suis ni misandre, ni féministe. Cependant, je suis persuadée que la femme ne se réduit pas à une simple machine qui veille au bon déroulement du ménage, au bien-être du mari et des enfants…

Récemment, je suis tombée sur un post partagé sur Facebook qui dresse une liste de règles à suivre pour être une femme pieuse, versets bibliques à l’appui. J’étais écœurée. Je n’arrive tout simplement pas à concevoir comment, en 2017, on peut encore appliquer de telles sottises : « Ne jamais élever la voix pour une raison quelconque sur votre mari. C’est un signe d’irrespect », ou encore « Prenez du temps dans la salle de bain… Faites-vous belle car votre mari est toujours entouré par les femmes qui ont pris leur temps sur leur apparence. »

Qu’on le veuille ou non, Madagascar est encore un pays où de nombreuses femmes arborent (volontairement ou pas) le statut d’être soumise…

Ce que la société n’arrive pas à avaler, c’est qu’on puisse être à la fois une femme « pieuse » tout en ayant un bon job, une vision, une personnalité, des ambitions, un permis de conduire… C’est tout.