Fenosoa Sergia

À la découverte du food porn coréen de Nanou Rakoto !

À moins d’avoir vécu dans une grotte ces dix dernières années, vous savez certainement ce qu’est le food porn. D’ailleurs vous en avez sûrement déjà fait : photographier votre hamburger dégoulinant de fromage, faire un zoom obscène sur un morceau de pizza pour ensuite exhiber les clichés sur les réseaux sociaux. Nanou Rakoto, elle, en a fait une véritable passion et un art à part entière. Son dada : la K-food. Interview.

Nanou, parle-nous un peu de toi  !

Mon vrai prénom c’est Aina, mais j’ai choisi de signer mes photos Nanou Rakoto. Nanou, c’est un surnom donné par mes parents depuis ma naissance.

Faire des photos n’est pas mon activité principale mais j’y consacre beaucoup de temps. À part shooter des plats, il m’arrive de couvrir des événements familiaux, des soirées discothèques gasy* ou encore des concerts d’artistes.

Je suis aussi une amoureuse de musique rock. D’ailleurs je fais partie d’une petite communauté de metalhead gasy ici en France. Munie de mon précieux appareil, je ne manque jamais d’immortaliser ces moments où on se retrouve entre passionnés.

«DAKGANGJEONG», du poulet frit. Crédit : Nanou Rakoto
«DAKGANGJEONG», du poulet frit. Crédit : Nanou Rakoto

Comment t’es venue la passion pour la photographie en général…

Vers 2004, j’ai acheté un petit appareil photo sur un site de télé-achat. Je ne me souviens plus de la marque mais avec ses 5 millions de pixels, il avait assuré grave !

C’était aussi la période Skyblog, j’ai créé un compte où je partageais les photos que j’ai prises. Et en même temps à l’époque, je m’essayais timidement au montage et à la retouche.

C’est finalement en 2011 que j’ai décidé de m’offrir mon premier appareil photo au boîtier noir : un Nikon D5100. C’est là que l’aventure a vraiment commencé.

food porn corenn k-food
Quand Nanou improvise en utilisant quelques restes d’ingrédients dans son frigo : udon fraîche+pousses de soja+Kimchi+œuf sur le plat+panga frit. Crédit : Nanou RAKOTO

…et pour le food porn en particulier ?

Quand je me suis inscrite sur Instagram en 2014, la première chose qui m’a marquée, c’était les photos de nourritures. Woooow ! Il y en avait de très belles que, gourmande comme je suis, ça me donnait carrément envie d’essayer.

Du coup, chaque fois que j’avais un bon et joli petit plat de resto devant moi, la première chose que je faisais c’était de le prendre en photo, avec mon téléphone portable d’abord. Puis je le publiais sur Instagram. J’étais vraiment surprise car je ne m’attendais pas à ce que les gens réagissent autant à mes clichés. Et un jour j’ai eu l’idée : pourquoi je ne cuisinerai pas moi-même mes jolis petits plats ?

A partir de là, plus de plats de resto mais des plats que je préparais moi-même. C’était un vrai défi et aussi une occasion de vraiment apprendre à cuisiner, car croyez-moi, si je n’avais pas mon rice cooker, mon riz serait toujours mal cuit (rires).

Et puis un autre challenge de taille s’est présenté : il fallait que je trouve mon style car je ne voulais pas faire comme les autres. Il fallait que tous les détails du plat soient visibles et que la personne qui regarde la photo ait l’impression de le voir en vrai.

Une bonne soupe coréenne !
Une bonne soupe coréenne préparée par Nanou ! Crédit : Nanou Rakoto

Ce penchant pour la cuisine coréenne, peux-tu nous en dire plus ?

La cuisine coréenne est devenue pour moi une passion à part entière. Après avoir participé à quelques ateliers l’année dernière, j’ai décidé de m’inscrire à un vrai cours de « K-Food ». Le jeudi soir est devenu mon jour préféré de la semaine. En plus nous avons une prof, une vraie coréenne soit dit en passant, très sympathique. Alors à qui la faute ? Eh bien aux dramas coréens ! C’est peut-être nunuche ou ringard pour les autres mais moi je l’assume entièrement : je suis une K-drama addict et ça a commencé en 2013.

Vous voyez dans les K-dramas, il y a toujours des scènes où les acteurs mangent. Comment peut-on résister à ça ? (rires) Les plats ont tous l’air tellement délicieux que ma curiosité a pris le dessus. Alors quand il y a des conférences ou des événements sur la K-food, j’essaie d’être toujours présente.

Mon frigo ne manque jamais de Kimchi (un plat d’accompagnement typiquement coréen à base de choux fermentés et très épicés), de pâte de piment et de pâte de soja qui sont deux des ingrédients de base de presque tous les plats coréens. Et dans mon placard, je garde toujours de l’huile de sésame, de la sauce soja, des graines de sésames, etc.

En ce moment, je suis aussi des cours de coréen et j’en ai pour deux ans ! Fighting moi 🙂 !

plat coréen
Canard laqué+cresson+œuf sur le plat. Crédit : Nanou Rakoto
raymun soupe coréenne
Rabokki (ramyun+Tteokbokki+œuf dur+ravioli au porc&kimchi). Crédit : Nanou Rakoto

Qu’est ce qui t’a le plus séduit dans la gastronomie coréenne ?

Presque tous les ingrédients utilisés dans un plat coréen ont chacun leurs fonctionnalités. Ils n’ont pas seulement été choisis parce qu’ils avaient de bonnes saveurs ou parce qu’ils se mariaient bien ensemble, mais parce qu’ils apportaient du bon pour le corps humain. Tout est calculé d’avance pour le bien de notre corps.

Tenez, le Kimchi par exemple : le chou (mélangé à de la poudre de piment, de l’ail, de la sauce d’huitre, etc.) n’a pas seulement été fermenté pour qu’il se conserve bien mais parce qu’il sera ainsi plus riche en bactéries lactiques (bon pour le transit) et sera aussi anti-cancéreux.

k-food boulette de riz
JUMUK BAP (boulettes de riz), l’équivalent de l’onigiri japonais, avec des feuilles de sésames ! Crédit : Nanou Rakoto
TANGPYEONGCHAE
Le TANGPYEONGCHAE, une salade à base de gelée de haricot mungo. Crédit : Nanou Rakoto

Les secrets d’un food porn réussi, selon toi ?

Pour moi un food porn est réussi quand il arrive à faire saliver quelqu’un rien qu’en regardant la photo !!

Sinon un dernier petit message pour ceux qui nous lisent ?

Je dirais juste que si vous avez une passion ou même plusieurs, vivez-là(les) à la fois pleinement et raisonnablement. Ça vous fera un bien fou, ça vous permettra d’oublier tous les soucis du quotidien, et ça vous permettra de vous évader. Just enjoy life guys !

mofo baolina plat malgache
Nanou cuisine aussi très bien des plats malgaches, voici le mofo baolina. Crédit : Nanou Rakoto

Merci à Nanou de nous avoir partagé sa passion. Pour voir plus de photos, je vous renvoie vers sa page facebook :).

 

 


*discothèque gasy : lieu de rendez-vous des jeunes malgaches en France pour s’amuser et s’évader du stress quotidien


Une piscine d’intégration pour les nouveaux étudiants en informatique

Samedi 15 décembre 2018. 16h20. Dans le centre-ville, Analakely, règne une ambiance de désordre pré-électorale avec les cris des propagandistes qui retentissent jusqu’à nos oreilles. Et moi, je me trouve à quelques mètres de là, dans les entrailles de l’immeuble CCIA, assistant à l’un des événements les plus marquants de l’histoire du numérique à Madagascar.

La première école d’alternance à Madagascar

« Une école du numérique créée par les entreprises, pour les entreprises ». Voilà comment se définit l’Ecole Supérieure des Technologies de l’Information (ESTI), mise en place à Antananarivo en 2016. Projet pionnier dans le secteur du numérique, il s’agit de la première école d’alternance à Madagascar.

Pendant une année, les élèves apprennent les bases en informatique et acquièrent les connaissances nécessaires pour pouvoir être opérationnels en entreprise dès la deuxième année. C’est le principe même de l’alternance qui, soit dit en passant, est tout à fait différent d’un stage.

Quand on sait que le digital est le centre névralgique de tout secteur d’activité, et que de plus en plus d’étudiants malgaches choisissent de s’orienter vers le numérique, on ne peut que féliciter l’ouverture d’établissements dans ce genre.

Piscine d’intégration

La cérémonie couronne les trois jours durant lesquels les 82 nouveaux élèves de première année ont appris les bases du langage de programmation Python. Ça me parle un peu car l’année dernière, grâce à une autre initiative, j’ai pu moi-même prendre deux jours pour m’initier au coding. Et c’est fou le nombre de trucs qu’on peut apprendre en 48 heures.

Après les trois jours d’initiation, les nouveaux L1 ont pu finaliser leur propre projet qui varie de la création d’une application fonctionnelle au pilotage d’un drone ! Une représentante de l’ITESCIA Paris a été sollicitée pour superviser l’événement.

La piscine d’intégration était une mise en bouche de ce qui les attend tout le long de l’année. Ceci étant, il n’était pas question d’apprendre plusieurs langages en quelques jours mais d’avoir un résumé de tout ce qu’il y a à maîtriser, le tout avec un projet très concret. Vous imaginez, des élèves en L1 qui peuvent déjà créer une appli !

Durant la cérémonie, les trois premiers sortants de l’ESTI se sont vu décerner leur diplôme de Licence pour les parcours « Réseaux et systèmes » et « Intégration et Développement ».

« Les filles sont aussi capables que les garçons »

Quand on parle du numérique, il y a toujours en filigrane l’éternelle question du genre : encore trop peu de filles osent se plonger dans cette filière pourtant si prometteuse. Pour l’ESTI, tout l’enjeu est alors de démystifier ce secteur pour attirer davantage la gent féminine. D’après les responsables, l’université compte aujourd’hui 20% de femmes, ce qui est déjà un très bon point, mais encore très loin du quota visé. Durant son discours, la représentante de l’ITESCIA l’a bien martelé : « Les filles sont aussi capables que les garçons et les garçons sont aussi capables que les filles ! ».

Aujourd’hui, plus que jamais, le digital ouvre des portes et continuera d’en ouvrir pour les téméraires qui se lancent dedans. Moi personnellement, ça me fait toujours chaud au coeur de voir des filles se lancer dans le numérique et maîtriser la programmation informatique. Elles, elles ont tout compris ! 🙂


Bref, j’ai essayé la danse bretonne !

L’association Solidarité Trégor Madagascar a récemment organisé un atelier de danse bretonne à l’Alliance Française d’Antananarivo. L’occasion pour moi de m’initier à cette pratique gestuelle mondialement connue. J’ai donc testé pour vous. 🙂 

À part la crêpe bretonne, je ne connais absolument rien de la Bretagne, cette région en forme de péninsule dans l’Ouest de la France. Mais comme moi, vous avez certainement déjà vu leurs pas de danses quelque part dans un film ou un clip. Pour le cliché, ce sont de petites femmes en costumes folkloriques, tabliers brodés et coiffes bigoudène, sautillant joyeusement sur un air de cornemuse. Vous me suivez ? Non ?

Cette petite vidéo vous rafraîchira la mémoire :

La Bretagne et la danse

Vous l’aurez compris, la danse est un élément fort de l’identité bretonne : il existe pas moins de 500 variantes locales. C’est dingue quand même ! Ce qui est sûr c’est que les bretons adorent danser. Pour eux, toutes les occasions sont propices pour partager ce plaisir commun : durant les travaux agricoles, les événements familiaux (mariages, inauguration de maison), les événements religieux…

Pour moi, toutes les cultures sont bonnes à être découvertes. Et cette danse m’a toujours impressionnée, tant par son rythme que par sa singularité. Voilà pourquoi je me retrouve aujourd’hui dans cette salle à marteler désespérément le sol avec mes pieds (Lol), à exécuter des pas ressemblant étrangement à des claquettes, tout cela au milieu d’une vingtaine de Bretons et de Malgaches réunis.

La danse bretonne, un vrai sport

Sous les instructions bienveillantes de notre professeur du jour, nous commençons l’échauffement par un rond de Saint-Vincent. On se tient par les petits doigts, un pas en avant, un pas de côté, un pas en arrière… Et on tourne en cadence dans le sens des aiguilles d’une montre. Très basique ! Malheureusement pour moi, ça se corse rapidement quand on enchaîne avec le An-dro (la ronde), le cercle circassien, le kost ar c’hoat, la gavotte, et la Kas a-barh. Le niveau ne cesse de monter. Très vite je transpire, je sue. Arghhh !! Décidément la danse bretonne, c’est du sérieux !

Selon les figures, nous formons une ronde, une chaîne ouverte, une quadrette, ou un couple. Le plus difficile quand on débute est d’arriver à synchroniser les mouvements des mains avec ceux des pieds. Et pour que ça ne parte dans tous les sens, c’est tout un travail de coordination entre danseurs. À un moment donné, notre chorégraphie ne ressemblait plus à rien, mais alors rien du tout. 🙂 Chaque apprenti interprète les pas à sa manière et le spectacle devient juste hilarant ! Mais on s’amuse beaucoup et c’est tout ce qui compte.

Une fois dans le tourbillon du rythme, on entre en transe et on oublie presque qu’on danse avec de parfaits inconnus rencontrés il y a à peine quinze minutes. C’est sans doute là l’esprit de la danse bretonne : une danse de communion et d’ouverture aux autres.

Les musiciens – dont quelques membres du groupe Les Souillés de fond de cale – nous accompagnent de leurs instruments quelque peu atypiques : accordéon diatonique, biniou (cornemuse bretonne), flûte traversière, bombarde, guitare folk, et guitare basse. L’ensemble offre une symphonie très agréable, bien qu’assez bruyant par moments.

Des similitudes entre les deux cultures

Harisoa Sage est la présidente de l’Association Solidarité Trégor Madagascar. Pour la petite histoire, elle quitte Madagascar – sa terre natale – en 2002 pour s’installer définitivement en Bretagne. Pour s’intégrer dans son nouvel environnement, elle apprend la langue et la danse bretonne. Aujourd’hui, Harisoa est passée maître dans cette dernière discipline et c’est avec beaucoup de passion qu’elle partage son savoir-faire aux quelques curieux venus s’inscrire à l’atelier.

« Je remarque qu’il y a beaucoup de similitudes entre la culture bretonne et la culture malgache. D’une certaine façon, pratiquer cette danse me permet de ne pas oublier Madagascar. » me confie-t-elle.

Toujours selon Harisoa, toutes les danses que nous avons apprises peuvent se pratiquer pendant le fest-noz ( littéralement « fête de nuit » en breton), l’un des piliers de la culture bretonne. C’est un grand bal regroupant une centaine voire un millier de personnes qui vont passer la soirée à danser sur de la musique traditionnelle, le tout dans une ambiance très conviviale. Depuis 2012, le fest-noz est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. Une belle reconnaissance internationale pour la culture breizh !

En tout cas voici ce que j’ai retenu à la fin de l’atelier : la danse bretonne est une danse traditionnelle mais tellement moderne finalement. Loin d’être réservée au cercle intime des connaisseurs, elle tend les bras à quiconque veut passer du bon temps (en famille, entre amis, ou entre inconnus aussi). Moi j’ai adoré et j’en redemande. À quand un fest-noz à Antananarivo ? 🙂


Les tabous liés à la grossesse à Madagascar

Lundi dernier, je m’arrêtais devant un petit étalage d’épices dans un marché du centre ville.

« Bonjour, je voudrais un peu de gingembre s’il vous plaît ! »

Je tends la paume de ma main pour que la vendeuse puisse me passer les gingembres, mais elle les met directement dans mon sac à moitié ouvert, ignorant royalement ma main tendue. Elle a dû lire l’étonnement sur mon visage car elle a vite rétorqué, souriante :

« C’est parce que vous êtes enceinte. Il ne faut pas vous remettre les gingembres dans la main, sinon votre bébé aura un orteil en trop. »

Euh okèèè !

Sur le coup, je ne savais pas trop comment réagir. Mais j’ai tout de même pris la peine de la remercier avant de partir.

Arrivée chez moi, une réflexion digne d’un maître Shaolin s’imposait. Je devais absolument faire deux choses :

  • Premièrement : me mettre au régime. Parce que non, figurez-vous, je ne suis pas enceinte !!!! Le truc c’est que dernièrement, un peu trop de graisse s’était accumulée au niveau de mon bide. Je ne savais pas à quel point cette partie de mon corps était saillante jusqu’à ce qu’il m’arrive cette histoire.
  • Deuxièmement : écrire un billet sur les tabous liés à la grossesse à Madagascar. J’en ai souvent entendu parler autour de moi mais je n’y ai jamais prêté attention. Aujourd’hui, il fallait que je partage au monde cet aspect unique de ma culture.

Je me suis donc renseignée et re-renseignée, allant jusqu’à saouler mon entourage avec mes questions de blogueuse désespérée. Finalement, quelques lectures (dont le joli billet de Lalah) et dix verres de jus de gingembre après, j’en étais venue à dresser cette petite liste d’interdits – parfois insolites – s’appliquant aux femmes enceintes. Liste non exhaustive bien sûr :

  • Ne pas recevoir un œuf dans la main, ne pas en mettre dans la poche sinon le bébé naîtra muet ;
  • Ne pas porter de citrouille sur la tête – dans un panier par exemple – sinon le bébé sera chauve ;
  • Ne pas irriguer une rizière et ne pas enjamber une hache sinon le bébé aura un bec-de-lièvre ;
  • Ne pas recevoir de gingembre dans la main, ne pas en mettre dans la poche sinon le bébé aura des doigts ou des orteils en trop; il lui poussera des excroissances de chair sur d’autres parties de son corps ;
  • Ne pas refermer entièrement le couvercle d’une marmite sinon le bébé sera muet ;
  • Après avoir mangé du foie de volaille ou de zébu, ne pas se toucher avec les mains « sales », sinon le bébé aura de grosses taches noires sur le corps ;
  • Lors d’une dispute, les parents ne doivent pas se menacer avec une faucille/« antsim-bilona » (genre de couteau courbé avec lequel on coupe le gazon) sinon le bébé sera bancal ;
antsim-bilona couteau courbé
La faucille/ « antsim-bilona », genre de couteau courbé qui sert à couper le gazon. Crédit : Fenosoa Sergia
  • Ne pas recoudre un vêtement troué au risque de rendre l’accouchement difficile ;
  • Ne pas mettre de sel dans sa poche sinon le bébé sera morveux toute sa vie (ma mère a dû enfreindre celui-ci 🙁  ) ;
  • Ne pas porter de foulard/cache-nez, ne pas attacher de tissu autour de la taille sinon le cordon ombilical s’enroule autour du cou du bébé ;
  • Ne pas se disputer trop souvent avec une personne particulière au risque de voir le bébé devenir son portrait craché ;
  • Ne pas se moquer du handicap des autres sinon le bébé aura le même.

En parlant de handicap, ma grand-mère m’a racontée une petite anecdote là-dessus. Un cas qu’elle a vu de ses propres yeux quand elle habitait encore à Manakara : une femme de leur village était enceinte (appelons-la Ranoro). Un chien qui boitait (appelons-le Boris) passait souvent dans sa cour. Ranoro détestait voir Boris parce qu’il avait ce handicap, ça l’agaçait. Comme pour exprimer son mépris, elle lui donnait des coups de pieds, lui lançait des pierres tout le temps. Quand l’enfant de Ranoro vint au monde, il devint lui aussi boiteux. Comme Boris. Preuve que certains interdits sont bien à prendre au sérieux !

Dans la culture malgache, il existe de nombreux types de « fady » (tabous). Les transgresser signifie injurier les « Razana » (ancêtres divinisés). C’est donc courir le risque de voir un malheur s’abattre sur soi ou sur sa famille. Et même si la plupart de ces « fady » n’ont aucune explication scientifique et rationnelle, ils ont bien traversé les époques et sont toujours d’actualité.

Pour le cas de la femme enceinte, libre à elle de les respecter ou pas. En 2018, c’est surtout une question de conviction.

Toujours est-il que les conséquences – censées être néfastes – ne se produisent que très rarement, pour ne pas dire jamais. En tout cas c’est ce que j’ai pu constater avec les grossesses de quelques proches. Des tantes à moi ont délibérément ignoré ces préceptes et leurs bébés sont nés parfaitement « normaux ». Je pense donc qu’il y a du vrai quelque part uniquement pour ceux qui y croient.

Enfin bref ! Si moi je crois ou non à ces tabous ? Mmmmh je ne suis pas vraiment superstitieuse… Mais quand une gentille vendeuse tente de nous sauver – mon bébé fictif et moi – des griffes d’un gingembre maléfique, alors oui je veux bien la croire ! 🙂


A Madagascar, les bidonvilles sont des instruments de propagande

Impossible de passer du côté d’Ampefiloha sans remarquer l’immense bidonville de La Réunion Kely et ses milliers d’habitants qui baignent dans les ordures. Presque tous les jours, je l’aperçois de loin. En cette veille d’élection présidentielle à Madagascar, j’ai voulu donner la parole à cette frange oubliée de la population, qui aujourd’hui est partagée entre espoir et résignation. 

Situé en plein cœur d’Antananarivo, le bidonville de La Réunion Kely abrite quelque 2000 personnes vivant dans une misère extrême. C’est l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale malgache. Ici, on trouve une centaine d’abris de fortune construits en sachets plastique. Les habitants vivent au milieu des rats et des ordures. L’odeur nauséabonde du canal d’évacuation d’eaux usées à proximité vient accentuer le chaos. Un triste spectacle !

Ampefiloha Antananarivo
Les « maisons » faites en sac plastique et en cartons à La Réunion Kely. Crédit : Fenosoa Sergia

Conditions de vie difficile

Avec sa femme et ses trois enfants, René, 47 ans, occupe depuis 2010 un petit taudis insalubre de 5m². Comme la plupart des habitants de ce bidonville, il vit de la collecte de déchets dans les bacs à ordure et gagne environ 5000 Ariary par jour (un peu plus d’un euro). « C’est à peine suffisant pour nourrir ma femme et mes trois enfants. Pour arrondir mes fins de mois, je glane quelques articles dans le dépotoir d’Andralanitra pour les revendre après. Tenez, ce poste radio par exemple, je l’ai récupéré dans les poubelles et je l’ai réparé moi-même. » ajoute-t-il en brandissant fièrement l’objet.

marché de la Réunion Kely Ampefiloha
Tous les jours, René étale ses « produits » à même le sol. Devant lui, la fameuse radio (en rouge) qu’il a réparée. Crédit : Fenosoa Sergia

Non loin de là, deux enfants défèquent à l’air libre sous le regard impassible des adultes. Une scène banale dans ce quartier où les initiatives d’assainissement sont quasi-inexistantes. « On trouve une toilette publique à l’entrée du bidonville, où il faut débourser 100 Ariary pour faire ses besoins. Mais ici, des gens préfèrent utiliser cette somme pour s’acheter à manger et viennent se soulager aux abords du canal. Au moins, là c’est gratuit. » me confie Célestine, vendeuse de rue.

Pas de papiers

Dans ce quartier défavorisé, la plupart des habitants sont originaires des régions rurales et sont dépourvus de papiers d’identité, pièces pourtant indispensables pour être inscrits sur la liste électorale. Bon nombre d’adultes ne pourront donc pas voter cette année. Mais les rares personnes qui possèdent leur CIN iront-elles le faire ?

Sur un bout de tissu sale étalé à même le sol, Mariette, la cinquantaine, dispose en petits tas quelques mangues ramollies par le soleil. « Oui je possède une carte d’identité et je vais voter car c’est mon droit. Ça fera peut-être évoluer notre situation ! » lance-t-elle tout sourire, mais sans trop d’assurance dans sa voix. En effet, Mariette sait vaguement qu’il y aura des élections d’ici peu, mais elle ne connaît ni la date exacte du scrutin, ni le nom du candidat pour qui elle « veut bien » voter.

Bidonville Antananarivo
La revente d’articles récupérés rythme le quotidien des habitants du bidonville. Juste à côté : le canal d’Andriantany. Crédit : Fenosoa Sergia

Instruments de propagande

Un lieu insalubre et « oublié » mais qui n’en reste pas moins un instrument de propagande efficace pour les responsables étatiques. Rappelons qu’à Madagascar, le premier tour de l’élection présidentielle se tiendra le 7 novembre 2018, avec 36 candidats en lice. Les propagandes seront officiellement lancées le 8 octobre prochain et comme toujours, les bidonvilles et les bas quartiers seront le théâtre des défilements des candidats : discours démagogiques, actions qui resteront sans suites.

Les habitants de La Réunion Kely sont souvent les bêtes de foire de toute cette mise en scène masquée en « fidinana ifotony » (descente sur le terrain). Jusque-là, les passages sur place des dirigeants et des diverses associations ont uniquement servi de propagande. Mais ça ne semble déranger personne si leur misère peut bien faire un peu de publicité pour les politiciens, trouvant ainsi l’occasion de faire quelques dons pour redorer leurs blasons. Les pauvres constituent un super instrument de marketing chez nous ! On leur tend un peu de vivres à Noël, on leur offre quelques tentes neuves suite aux cyclones, mais personne ne se soucie de leur situation sur le long terme.

La preuve est sous nos yeux : les dirigeants malgaches se sont succédés, mais les bidonvilles eux n’ont pas bougé d’un iota. Au contraire, les occupants augmentent chaque année.

enfant dans les bidonvilles Madagascar
La déscolarisation règne aussi à La Réunion Kely. Crédit : Fenosoa Sergia

Des habitants résignés

Les riverains avouent avoir du mal à s’extirper de cette pauvreté et sont aujourd’hui résignés. « Que pouvons-nous faire, nous les pauvres à part attendre qu’on nous vienne en aide ?  Moi, je n’espère rien du futur président. Depuis que je suis ici, trois présidents se sont succédés au pouvoir et notre vie est toujours la même. » regrette Ramasy.

Avant de rajouter, le visage amer :

«Ici, nous survivons au jour le jour, et parfois c’est au-dessus de nos forces. Il y a quatre mois, une voisine est tombée malade car elle n’avait plus rien à manger. Et la mort a vite eu raison d’elle… » 

En cette veille des élections présidentielles, j’en appelle aux candidats et/ou aux autorités étatiques. Cessez-donc d’instrumentaliser cette frange vulnérable de la population en leur faisant des promesses que vous ne tiendrez jamais. Vos élections vous les gagnerez d’une manière ou d’une autre. Mais pensez un peu à ces gens qui, eux, ont tout perdu.

Vous vous targuez d’aimer votre patrie, raison pour laquelle vous vous présentez aux élections. Alors voici l’occasion de nous le prouver par des actions concrètes ! Pour citer l’illustre Père Pedro : « On ne lutte pas contre la pauvreté avec des paroles. » Et puis personnellement, je n’en peux plus de voir des séquences de La Réunion Kely illustrer les reportages sur Madagascar. C’est tellement désolant. Il faut vraiment faire quelque chose. Et vite.

A bon entendeur, salut !